Au cœur de l’inclusion : retour d’expérience d’été

Au cœur de l’inclusion : retour d’expérience d’été
Dans le cadre de la campagne des séjours de vacances, les organisateurs confédérés de la JPA ((Francas, Ligue de l’Enseignement et PEP) s’engagent à favoriser l’accueil de tous les enfants. Ainsi, l’accueil des enfants en situation de handicap est un objectif important pour l’ensemble des équipes d’animation du réseau. Retrouvez le témoignage d’une équipe d’animation suite au séjour de Paul.

Présentation du séjour

Le séjour dure 6 jours et 5 nuitées au mois de juillet. Les enfants sont accueillis dans un camping, ils dorment dans des tentes dortoirs collectives composées de lits superposés, accueillant en temps normal 12 personnes, restreints à 8 pour cette année particulière. Le séjour s'axe sur une séance d'équitation par jour, de l'accrobranche et du canoë une fois dans la semaine. Sur les autres moments, les enfants sont invités à participer à des activités conçues par l'équipe d'animation mais n'y sont pas contraints.

Qui est Paul* ?

Paul est un jeune très sociable dès le premier abord, il est venu à notre rencontre avec facilité et n'a pas cessé de nous solliciter par la suite. La séparation avec sa maman s'est faite aisément, même s'il a demandé plusieurs fois pendant le séjour où elle était et quand est-ce qu'elle revenait. 

Il manifeste une grande joie de vivre, et répond avec enthousiasme à nos invitations à faire quelque chose ou à s'exprimer.

Il recherche le contact avec le groupe d'enfants : il ne veut pas s'en éloigner, demande à rester proche de l'activité des autres enfants. Il a d'abord engagé des conversations et une communication avec les adultes de l'équipe d'animation et avec les adultes qu'il a croisés. Vers la fin du séjour, ces relations étaient aussi visibles avec lui et des enfants.

Dans ses relations, il cherche à être compris, répète et insiste jusqu'à ce qu'il y ait une compréhension. 

Paul a des passions, pendant le séjour, il s'agissait de toutes les accroches musicales des moyens de transport (SNCF, RATP), du téléphone portable et de la communication particulière (Allo ?, raccrocher, sonnerie du téléphone).

Si on doit le décrire on dirait vraiment qu'il nous a impressionnés par sa joie, sa sérénité et sa capacité à suivre le flot, à s'adapter avec naturel et fluidité.

Démarche d’accueil inclusive, le séjour

Pour préparer sa venue, bien sûr, nous avons lu la fiche d'accompagnement et la fiche de présentation, nous avons étudié les pictogrammes qu'il utilisait avant. 

Ma priorité à ce moment a été de trouver l'animateur-rice qui était partant pour être "référent" de Paul.

Une fois qu' Océane s'est proposée avec enthousiasme, on s'est questionné sur les chants, les jeux possibles. On a essayé de visualiser le quotidien, le moment de la douche nous interrogeait, car Paul semblait avoir un mauvais rapport à l'eau. On a parlé aussi de ce qui était possible de faire si Paul ne voulait pas rester avec le groupe : Faut-il trouver des jeux en binôme avec l'animatrice, ou lui laisser un temps de ressource seul ? Faut-il essayer de l'inviter à participer, même sur un moment court, aux activités collectives ? 

Finalement, on s'est imaginé tous les possibles mais nous n'avons rien préparé de fixe. 

Pendant le séjour, nous nous sommes finalement détachés de la fiche d'accompagnement et nous avons testé de nouvelles choses: se baigner à la piscine, manger de tout, rester davantage avec le groupe sur des temps plus longs. Nous avons très peu utilisé les pictogrammes. 

La relation Océane / Paul du début s'est finalement relâchée pour laisser place d'abord à un accompagnement par d'autres animateurs puis par l'impulsion des enfants à un accompagnement par d'autres enfants (Exemple: un enfant s'est proposé pour manger à côté de lui et couper sa nourriture etc, d'autres l'ont spontanément accompagné sur des moments informels et lui ont lu des histoires ou ont chanté avec lui, d'autres l'ont pris par la main pour participer aux veillées et suivre le fil de l'activité).

Au milieu du séjour, lors d'un moment calme après un repas où tout le monde était regroupé, les enfants ont spontanément demandé plus d'informations sur Paul, son comportement, les possibilités pour communiquer avec lui, son rapport au monde. Cette compréhension a ensuite engagé les enfants à aller vers lui, dans des relations plutôt en binôme, les enfants l'ont accompagné, ont discuté, l'ont imité, lui ont présenté des choses, lui ont lu des BD....

Après le séjour, nous avons continué à discuter de cette expérience, Océane a rédigé un bilan qui sera sûrement transmis à d'autres structures d'accueil.

Bilan

Les points positifs sont nombreux. Les enfants et nous mêmes avons rencontré un enfant ayant une certaine forme d'autisme, nous avons communiqué, compris, développé de nouvelles formes de communication, nous nous sommes adaptés. Et tout ceci a été ressenti comme une richesse. Le fait de se détacher de la fiche d'accompagnement, petit à petit, du fait qu'on commençait à comprendre et connaître Paul dans le cadre du séjour, a été très épanouissant. L'évolution des relations Paul / adultes puis Paul / enfants a conduit à la fin du séjour à une espèce de "facilité" et d'harmonie.

Il n'y avait plus ce petit stress du début à chercher Paul de l’œil, on savait où est-ce qu'il était comme si on connaissait ces petits recoins, et les enfants étaient beaucoup plus avec lui ce qui nous permettait de se focaliser sur d'autres choses qui n'étaient plus de l'ordre organisationnel (Où est Paul ? A-t-il besoin qu'on s'occupe de lui ? Est-il en demande de quelque chose ?)

Le moment du coucher a bien sûr été le défi à relever dans la gestion de ses besoins intimes, pour qu'il n'y ait pas de souci vis à vis des autres enfants, et pour que ce moment reste gérable.

L’adaptation des activités pour que Paul y participe pleinement. Progressivement il est devenu autonome à cheval avec l'accompagnement d’Océane. Il lui a fallu plus de temps que les autres enfants. A l'accrobranche il a eu besoin d'un temps pour observer et tester cette activité, il a réussi à faire un parcours.

Notre regard sur l'inclusion

Je pense que la compréhension et la connaissance apportent une certaine sérénité qui permet de s'engager. Mais je pense aussi que l'inclusion ne se fait qu'au prix d'un abandon de cette connaissance pour vraiment s'intéresser à une personne. Dans la préparation du séjour, nous sommes rassurés d'avoir la fiche d'accompagnement, on projette des choses, on s'imagine et ça nous rend assez sereins. D'autre part, certaines connaissances théoriques de l'autisme nous permettent aussi de comprendre ce rapport au monde différent (même si je ne pense pas être pointue sur ce sujet) mais ça nous laisse en tout cas l'ouverture possible et la confiance pour se lancer. Puis Paul arrive, et même si cet aller-retour avec le théorique se fait sûrement, il s'efface vraiment et finalement on s'intéresse juste à lui, et si on avait suivi nos connaissances et la fiche d'accompagnement on aurait été sûrement plus rigides et peut-être que ça n'aurait pas été cette inclusion là. » 

Témoignage de Lou, directrice du séjour de Paul en juillet 2020

*Le prénom de l’enfant a été changé.